JEAN-PIERRE JOSSELIN RÉPOND À VOS QUESTIONS


 

Comment définiriez vous en une phrase le champagne Jean Josselin ?

 « un champagne à qui vous pouvez serrer la main »


Que signifie le statut de « vigneron indépendant » pour un exploitant en champagne ?

Le vigneron indépendant produit son champagne ou son vin avec le fruit de sa culture, provenant de ses terres.
Voici ce que dit le règlement : un adhérent à la Fédération Régionale des Vignerons Indépendants de La Champagne, se doit :

  • d'être un viticulteur indépendant, vinifiant et commercialisant sa propre production.
  • de ne pas commercialiser un volume de bouteilles élaboré en coopérative représentant plus de 5% de son volume de vente.
  • De ne pas commercialiser, en tant que négociant, plus de 5% de son volume de vente et ce dans le cadre du foyer fiscal ou familial.
  • De ne pas être impliqué de façon active et professionnelle à plus de 5% des parts chez un négociant.
  • Qu'un négociant ne soit pas impliqué de façon active et professionnelle à plus de 5% des parts dans sa maison.
  • De pressurer sa récolte sur son pressoir ou chez un viticulteur répondant à l'article 1.
  • Si il est courtier, de ne pratiquer le courtage que sur son pressoir ou à titre personnel ou familial.
  • D'adhérer au logo des vignerons indépendants, son support restant à sa volonté.
  • D'appliquer le règlement intérieur, toute dérogation étant examinée par le Conseil d'administration.
  • De régler la cotisation fixée par le conseil d'administration au 1er janvier de l'année civile, celle-ci se devant d'être recouverte au plus tard à la fin de ce même mois. L'absence de règlement, passé ce délai, mettant le viticulteur en situation de démissionnaire.
  • En cas d'activités au sein du conseil ou du bureau, de ne pas manquer sans raison valables, plus de trois séances consécutives ou non.
  • En cas de fonction à la présidence de la Fédération Régionale, de ne pas exercer plus de deux mandats consécutifs.


Peut-on faire un lien entre la philosophie véhiculée par ce statut et la qualité de vos champagnes ?

Oui, bien sûr, tout d'abord par la connaissance du terroir (sol, exposition, encépagement) et de son travail jusque dans la cave dans le respect de la tradition.


Le monde du champagne est dominé par des grands groupes, est-ce un danger pour vous ? Comment vous positionnez vous par rapport à eux ?

Il y a deux façons de voir les choses :
D'un côté, nous avons notre identité de vigneron, l'authenticité du produit, un rapport qualité/prix, autant d'atouts que recherche de plus en plus le consommateur.
De l'autre, ce sont ces Maisons qui nous poussent à faire toujours mieux. Notamment en véhiculant l'image du champagne, vin de fête, dans le monde entier, en mettant au point les meilleures techniques de culture et de vinification.
Nous sommes les seuls en Champagne à posséder une organisation interprofessionnelle qui fonctionne remarquablement bien. Un bon équilibre est trouvé entre récoltants et négociants.


Pensez vous faire un métier différent de celui des grands groupes à forte réputation ou alors n'est ce que deux approches différentes de la même passion pour le champagne ? Plus précisément quelle est la réelle différence au niveau du consommateur finale ?

Le métier n'est certes pas différent, mais les moyens oui. Quand un seul et même homme oeuvre du début à la fin, de la préparation de la terre à la plantation, vinification et commercialisation – la passion devient un critère indispensable.


On parle beaucoup de culture raisonnée, d'environnement, d'agriculture biologique, quelle est votre position sur cette question ? Quelles sont les mesures concrètes que vous avez mises en place ? Que vous apportent t'elles ?

La viticulture progresse, le vigneron dispose aujourd'hui de nombreuses certifications : Haute Valeur Environnementale, Viticulture Biologique ou Bio-dynamique...
En ce qui nous concerne, nous avons choisi « Terra-Vitis », un label de référence , actif sur plusieurs régions viticoles de France.
Il s'agit  d'une labellisation volontaire, soumise à cotisation et évolutive.
Notre engagement commence seulement, nous ne manquerons pas d'actualiser cette rubrique pour vous faire connaître ses différentes étapes.


Quelles sont les normes, européennes ou autres auxquelles vous devez vous soumettre ?

Plus que les normes européennes, la Champagne a depuis bien longtemps définit ses propres normes et règlements : Délimitation A.O.C. Distance de plantation, Densité de plantation, Cépages, Agrément des centres de pressurage, Pesée des raisins au pressoir, règle de pressurage, Contrôle et agrément des vins, Législation concernant de dépôt de marques, Mentions à l'étiquetage…


Cette exploitation vous a été transmise par votre père, vous la transmettrez certainement à votre fils, quelle est la différence entre le champagne d'hier, celui d'aujourd'hui et celui de demain ?

Le Champagne Josselin d'hier était essentiellement élaboré à partir de Pinot Noir, nous ouvrons aujourd'hui la gamme avec des champagnes d'assemblage traditionnels, ainsi qu'un Blanc de Blancs, issus d'autres cépages : tel que le pinot meunier et le chardonnay.
Notre fils Jean-Felix Josselin  a rejoint l'exploitation familiale depuis 2010. En 2015, il a crée une nouvelle cuvée, sans nom, un secret à découvrir, maintes idées surgissent et amènent la discussion entre père et fils, l'aventure est loin d'être terminée !


La nature change, le climat évolue, les années sont toutes différentes et pourtant le champagne semble toujours de qualité égale, comment réglez vous cette délicate équation ?

Si nos vins vous semblent toujours de qualité égale, c'est que la Champagne a mis en place un système de réserve qualitative (stock de vin bloqué) qui permet, par les assemblages, de maintenir assez facilement un style de vin.
 

Parlez nous de votre terroir, quelle est son histoire ? Depuis quand y produit-on du champagne ? Pourquoi ? Comment ?

L'histoire
Après avoir couvé quelques années, la lutte pour le droit à l'appellation champagne a explosé en 1911. Elle s'est terminée en 1927.
En application de la loi de 1905 sur la répression des fraudes, le Conseil d'Etat avait fixé le 17 décembre 1908, les limites de la Champagne viticole. L'appellation était réservée à la Marne et à quelques cantons de l'Aisne.
Ce qui impliquait pour les vignerons ne plus avoir la possibilité d'écouler leur vin.
Le pourquoi ? La culture de la vigne était, tout simplement une source de revenu à l'époque comme beaucoup de région de France. Les coteaux escarpés de notre région sont destinés à accueillir la vigne.
Le comment ? Depuis cette loi de 1927 qui approuvait l'appellation Champagne, les vignerons ont dû se plier aux règles de l'A.O.C.  Consulter : www.champagne.fr


Comment élabore-t-on le champagne ? D'où viennent les bulles ?

La Vendange, entre plaisir et peine, marque la fin d'une année de travail à la vigne et le début de la vinification. Nous établissons un circuit de cueillette, la maturité n'étant pas identique suivant les parcelles. Des prélèvements réguliers nous aident à suivre l'évolution des sucres et de l'acidité. Ils nous permettent d'apporter au pressoir que des raisins parfaitement mûrs.

La récolte manuelle des raisins effectuée par des vendangeurs nécessite beaucoup de soins et de précautions. Les grappes sont fragiles, nous devons garder le raisin intact c'est une priorité la qualité des jus à extraire en dépend. 

Notre schéma de vinification est le suivant :

1. Débourbage statique, c'est à dire : repos du moût pendant 24 heures, étape délicate et cruciale pour la suite de la vinification,

2. Fermentation alcoolique (transformation du moût en vin)

3. Fermentation malolactique (désacidification naturelle)

4. 1er soutirage avec une large aération

5. 2ème soutirage 1 ou 2 mois plus tard

6. 3ème soutirage : collage temps de repos de 2 mois, ce travail prépare à la filtration.

7. Filtration tangentielle.

Toutes ces étapes contribuent à la clarté et limpidité de nos vins. Elles en préservent les arômes. Le vin étant une denrée fragile et périssable des temps de repos sont nécessaires entre toutes les opérations de pompages réduits au strict nécessaire.

8. Assemblage : sélection, classement et création

C'est dans des cuves de petits volumes que le produit de chaque parcelle est vinifié. Nous séparons les typicités de chacune. Il nous reste, à partir de cette palette, à créer nos assemblages les plus harmonieux possibles,

9. Mise en bouteille et prise de mousse

Le vin associé à la liqueur et au levain sont embouteillés. A ce stade une capsule métallique bouche la bouteille.  Les bulles se forment provoquant une turbulence dans le contenant. Nous stockons alors pour un minimum de 24 mois les bouteilles soit en piles dans notre cave voûtée soit en palette dans notre salle de stockage climatisée.

10. Remuage, il a pour but de faire glisser le dépôt dans le goulot de la bouteille, suivant les cuvées, des cycles de 8 à 20 jours sont nécessaires,

11. Dégorgement, pour ce faire, le col de la bouteille est plongé dans une solution à -27° formant ainsi un glaçon dans le goulot qui emprisonne les sédiments qui s'y trouvent. A l'ouverture, la pression interne permet d'éjecter le glaçon. Le champagne reçoit la liqueur d'expédition, La bouteille est alors fermée par un bouchon de liège, maintenu par un muselet.


Les habitudes de consommation et les goûts de vos clients, évoluent-ils avec le temps ? Tentez vous de vous y adapter et comment ?

Le monde du vin est en constante évolution. La remise en question de nos techniques est perpétuelle. Tout en respectant la tradition champenoise, nous nous intéressons aux nouvelles investigations dans le seul but de produire un Champagne qui soit d'abord à l'image de notre maison, reflet de la tradition familiale. Ensuite, il est vrai que nous devons écouter nos clients, les consommateurs, et répondre, si besoin est, à leur attente. C'est en réalité, ce qui s'est produit pour le Rosé.
L'engouement pour cette cuvée depuis plusieurs années nous a amené à en produire davantage, sans pour autant réussir à satisfaire tous les amateurs, il nous en manque hélas chaque année.


Quel avenir souhaitez vous pour la région et le champagne en particulier ? la mondialisation, la production de vins type « champagne » à l'étranger apporte-t-elle une concurrence dangereuse ou au contraire est-elle moteur d'innovation ?

Avec une production de 320 millions de bouteilles, la Champagne reste un petit vignoble (34 045 hectares). L'originalité et la spécificité de ce vin, ne fait pas de cette région un Eden. De plus en plus à travers le monde des vignerons pétillent d'imagination dans l'élaboration de nouveaux vins. La Champagne n'est pas une région fermée et la famille des vignerons est une grande famille. Il ne peut y avoir de concurrence, pour les personnes qui font du métier de vigneron un véritable art et où la passion nous pousse toujours plus loin, en toute humilité.